Après la visite officielle des stands, les travaux du Salon du Capital Humain ont effectivement démarré, avec la tenue d’une table ronde animée sur le thème, « Défis et perspectives pour une prise en charge effective des maladies mentales des travailleurs ». Cette tribune a réuni quatre (04) spécialistes des caisses sociales, des centrales syndicales et du patronat. Il s’agit du Docteur Mar MAO, Président de la commission emploi et relations sociales de la Confédération Générale des Entreprises de Côte d’Ivoire, du Pr YEBOUE Brou Yves, Directeur central de la prévention et de la promotion de la sécurité et de la santé au travail à la CNPS, du Dr BROU Christian, Médecin-directeur des prestations à la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM) et de M. Joseph AKANZA, membre du Conseil d’Administration de la CNPS et Vice-Président de l’UGTCI.

Le premier à intervenir, le Dr. Mar MAO, a répondu à la question portant sur les défis spécifiques rencontrés par la Confédération Générale des Entreprises de Côte d’Ivoire, en matière de santé mentale. Il a soutenu que le cadre législatif ivoirien intègre un début de la question de la santé au travail, en imposant la présence d’un médecin en entreprise. Reconnaissant l’insuffisante de cette provision légale, il a martelé qu’il est essentiel que les entreprises s’approprient la thématique et intensifient leurs efforts d’information, de formation et de sensibilisation, auprès des acteurs du monde du travail.
Cette tribune a été l’occasion pour le représentant de la CGECI, de clarifier la position du patronat, sur la compréhension de la notion de handicap, en milieu professionnel. En effet, il a expliqué qu’il n’existe pas de distinction entre « handicap physique » et « handicap mental », sur la base de l’interprétation qui est faite des textes législatifs, en vigueur.
S’agissant de la sensibilisation, la CGECI collabore avec les entreprises établies en Côte d’Ivoire, sur la question de la santé mentale, en les accompagnant. Le patronat, selon ses termes, veille à maintenir un équilibre entre les employeurs, les entreprises et leurs dirigeants.
Il a terminé son propos en annonçant au public, la tenue d’une session de sensibilisation sur la santé mentale au travail, à leur initiative. Cette activité sera l’occasion de présenter un texte sur la question de la prise en charge des handicapés. Cette cérémonie marquera le début d’une campagne de sensibilisation, en vue d’implémenter cette disposition et progresser vers une prise en charge effective des employés en situation de handicap en milieu professionnel.
L’intervention du DR. MAR MAO a été suivie par celle du Professeur YEBOUE Brou Yves, Directeur de la CNPS. Il a présenté le modèle économique ainsi que l’expérience de la CNPS sur la question de la santé mentale au travail, en cinq points, à savoir, la présentation de la CNPS (gouvernance, cadre juridique et modèle économique) ; la présence d’un cabinet de psychologie pour accompagner les travailleurs ; la prise en compte de l’état psychologique des candidats dans le processus de recrutement ; la mobilisation de plus de 22 médecins et assistants sociaux pour l’accompagnement des employés ; la recherche continue pour évaluer l’intégration des troubles psychologiques dans la liste des maladies professionnelles reconnues.

Répondant à la question du thème du jour, portant sur les défis et perspectives pour une prise en charge effective des maladies mentales des travailleurs, le Pr YEBOUE Brou Yves a expliqué que les maladies concernées sont principalement les troubles psychologiques. Il a également informé le public de la conduite en cours de travaux par la CNPS, afin d’identifier les pathologies pouvant être reconnues comme maladies professionnelles. Dans ce sens, l’équipe qu’il dirige, composée de plus de 22 médecins et assistants sociaux, assurent un accompagnement des travailleurs et la collecte de données, en vue d’une compréhension approfondie et factuelle de ces maladies.
Le Dr Brou Christian, médecin à la CNAM a succédé au Professeur YEBOUE au pupitre. Il a développé la question de la prise en charge des affections mentales par les sociétés d’assurance, en Côte d’Ivoire.

Il a démarré son intervention en rappelant qu’en médecine, la santé repose sur trois dimensions : physique, mentale et sociale. Ce rappel a permis de souligner l’importance du problème de la prise en charge des affections mentales. En tant qu’acteur de l’écosystème, il a déploré que ces affections ne fassent malheureusement pas partie des interventions actuelles des assureurs en Côte d’Ivoire, en dépit des coûts de prise en charge moins élevés que certaines pathologies déjà couvertes, telles que les maladies métaboliques, comme le diabète. « Tout le monde a mis de côté la santé mentale », a-t-il affirmé. Cette situation a conduit la CNAM à mener une réflexion, afin d’intégrer, à terme, dans son panier de prestations de prises en charge, la santé mentale, dans la Couverture Maladie universelle (CMU). Il a ajouté que la CNAM s’intéresse également aux populations, vivant en Côte d’Ivoire sans distinction géographique, dans toute leur diversité.
La série des interventions de la table ronde s’est achevée sur Monsieur Joseph AKANZA, acteur syndical, représentant l’Union Générale des Travailleurs de Côte d’Ivoire. Il a entamé son propos en remerciant les organisateurs du Salon. Puis, il a effectué un ensemble de constats. Il a fait d’abord remarquer que le cadre juridique de l’emploi en Côte d’Ivoire n’a pas suffisamment évolué, pour intégrer pleinement la question de la santé mentale.
Ensuite, il a révélé l’usage de certaines usines de machines défectueuses, exposant les travailleurs à des risques tant physiques que psychologiques. Il a relevé également que les directeurs des ressources humaines oublient un aspect de leurs missions : à savoir, la dimension humaine. Ces constats l’ont amené à s’interroger ouvertement sur la partie prenante responsable de l’initiative de la révision du cadre juridique, ainsi que sur l’établissement d’une liste de maladies mentales professionnelles intégrant les maladies mentales.
La seconde partie de son intervention s’est articulée autour de l’annonce d’un ensemble d’actions et de recommandations aux initiateurs du salon du capital humain. Les actions concernent la tenue future d’un forum dédié aux maladies mentales. Ce sera l’occasion pour les travailleurs de débattre de l’adoption d’une liste de maladies prises en compte par les assureurs et les institutions de protection sociale.
S’agissant des recommandations, elles ont porté sur la nécessité de sensibiliser les directeurs des ressources humaines sur l’urgence de la prise en charge de la santé mentale, l’adoption et révision de la liste des maladies professionnelles devant inclure les troubles psychologiques.
Lors de la session de questions-réponses, consécutive aux présentations, les intervenants ont discuté, notamment, des voies et moyens de plaidoyer envers les maisons d’assurance, pour la prise en charge effective des affections mentales.
A cet effet, la CNPS a été encouragé à prendre le lead , en tant que structure prépondérante, en matière de prévention et de sécurité et santé au travail et caisse de sécurité sociale, pour asseoir un cadre national de réflexion, avec les moyens en appui, en vue de diligenter des travaux structurants, devant aboutir à la reconnaissance et à la prise en charge des maladies mentales au travail.
Elle a été surtout interpelée sur la mise à jour de la liste des maladies professionnelle jugée parfois, inadaptée aux réalités ivoiriennes et ou non actualisée, pour répondre aux défis actuelles des nouvelles pathologies qui apparaissent.
La CNPS a surtout été invitée à collaborer, de façon proactive, au côté du ministère de l’emploi et des affaires sociales, à travers une politique de veille, pour répondre en temps réel, au défis de la mise en place de normes et de leur actualisation, en termes de protection des travailleurs et en matière de santé au travail.
En réponse à une préoccupation concernant les actions concrètes menées auprès des compagnies d’assurance pour réduire les pathologies en entreprise, il a été souligné la nécessité de créer un cadre réglementaire spécifique à la santé mentale, dans le secteur des assurances. Cela garantirait une meilleure protection des employés et une prise en charge efficace des troubles psychologiques.
Les entreprises ont également été encouragées à s’inspirer des modèles de prise en charge existants, tels que celui de la CNPS, qui mobilise plus de 22 médecins et assistants sociaux, pour accompagner ses travailleurs.
Enfin, l’importance de mobiliser d’autres partenaires, notamment les élus locaux, a été mise en avant, afin de mieux intégrer la santé mentale dans les politiques publiques et dans les stratégies des entreprises.
